Archive 17-10-2015 Cette archive d’il y a 9 ans est assez significative pour que nous la ressortions des cartons de okey.be (également publié sur La Libre).
Les exigences d’encadrement des équipes nationales ont eu raison des deux derniers coaches des Red Lions.
Les raisons des départs des deux derniers coaches des Red Lions ont été énumérées et expliquées dans divers médias. Vraies ou moins crédibles, elles sont multiples et font partie d’un tout qui méritent un éclairage un peu plus fouillé. S’il n’est pas facile de trouver les raisons profondes du départ de Jeroen Delmee, essayer de comprendre la complexité de la direction d’une équipe mondiale auprès du directeur technique de la fédération de hockey permet de mieux se faire une idée.
Pas du temps perdu
Bert Wentink ne pratique pas la langue de bois et il sait également relativiser face aux exploits comme aux contre-performances. Quand on lui parle du temps perdu les deux dernières années par les deux équipes, il réfute la chose : « Non, on n’a pas perdu de temps ni à La Haye, ni après. Le passage par des mauvaises prestations est nécessaire. A la Coupe du Monde, on a vu un tas de choses qui n’ont pas fonctionné, plein de détails qui ont coûté cher. Mais les équipes et les joueurs ont appris de leurs erreurs. Après la World League de Rotterdam où les Lions avaient battu l’Australie deux fois et gagné le tournoi, cela a été un peu trop vite et on a cru être au top. »
Wentink, une référence
Venu des Pays-Bas il y a deux décennies, Bert Wentink a d’abord coaché le Dragons où il décrochait quelques titres de champion de Belgique. Il était attiré en octobre 2005 par Marc Coudron pour occuper la fonction de High Performance Manager, autrement dit de Directeur Technique. Il arrivait au bon moment, alors que l’année précédente, une première percée de la Belgique s’était faite au niveau européen avec la médaille d’or obtenue à Millfield par les Boys U16. « C’est la génération des ’88 avec Dohmen, Van Strydonck. Dirigé par Chris Vercammen puis Michel van den Boer, ce noyau a sonné le départ d’une réelle politique de gestion des équipes nationales avec une grosse structure. » Wentink, qui restera en fonction jusqu’après Rio, a défini trois étapes dans la progression des Red Lions. Closing the gap (2005-2008), soit arriver à jouer au niveau des équipes de niveau mondial. Keep the flame burning (2008-2012), soit –après la qualification pour Pékin- se maintenir au niveau mondial. Push to the podium (2013-2016), soit tendre vers le podium. « Il faut 10 ans pour arriver au top. C’est un processus lent fait de montée et de paliers. Il faut y aller pas à pas. »
Copier la Hollande
Le grand reproche adressé à Wentink et à son équipe est de vouloir ou d’avoir voulu copier les Pays-Bas. Le Néerlandais est venu avec sa mentalité et le choc des cultures a fait des dégâts. « Non, ce n’est pas vrai. Il n’est pas possible de reprendre ce qui est un succès aux Pays-Bas et de l’appliquer en Belgique. Un pays, une équipe, un joueur est unique. Je l’ai vu dès mon arrivée au Dragons. J’avais un T2, Eric Jan Pennen, qui voulait appliquer les méthodes hollandaises ; je lui ai dit : »si tu veux faire ça ici, c’est non, tu retournes ». Chaque pays, chaque club est différent. Quand un coach arrive, il doit apprendre à connaître ses joueurs et s’adapter. Mais l’inverse est aussi vrai : joueur et staff doivent faire des pas l’un vers l’autre ; c’est la responsabilité de tous de le faire. »
Le plus belge des Hollandais a tout de même apporté un professionnalisme qui n’était pas dans la mentalité du hockey de notre pays. « Le passage vers le statut pro est indispensable pour arriver au top mondial. La fédé a choisi d’en être et il faut donc mettre les moyens pour y arriver. C’est la même chose pour les clubs qui veulent briller en division Honneur ; s’ils veulent atteindre le sommet belge, il faut mettre les moyens. Je respecte totalement les clubs qui ne le font pas et je pense qu’on peut très bien être un excellent club tout en ayant une équipe première en nationale 1 ou 2. Mais il faut évidemment accepter que les meilleurs éléments partent un jour pour aller dans un top club. Ces joueurs reviendront après leur carrière au top. Les clubs auront fait un choix. La vie, c’est faire des choix. »
Vers la professionalisation
L’augmentation du rythme d’entraînement des Red Lions a été sensible au cours des années. De deux entraînements par semaine, on est passé à cinq jours par semaine. « Nous sommes vite arrivés à ce besoin et les 5 jours /semaine ont été demandés par les joueurs eux-mêmes. » Un rythme infernal que n’ont pas pu suivre Lammers et Delmee. Habitant tous les deux à Den Bosch, ils devaient faire la route journellement pour Boom, embouteillages compris. « Cela leur demandait une énergie folle. Avec des journées 08.30-22.00hr cinq jours par semaine plus la présence au bord des terrains le dimanche, on allait vite à des semaines de 60 heures. Plus les programmes de la fédération internationale (World League, championnats, etc.) et les stages, cela faisait de nombreuses semaines hors de chez soi. Et quand les joueurs étaient en repos, il fallait assurer les analyses, les préparations. C’est très lourd. Cela demande une très grande énergie. Lorsque tout va bien, cela passe. Lorsque les résultats sont moins bons, c’est plus difficile à encaisser. » Wentink souligne là une des raisons principales du départ des deux coaches et ces horaires de fou auront été très énergivores pour eux.
Pas de Belges
Mais pourquoi alors ne pas prendre de coaches belges ? Là, Wentink est très clair : il n’y en a pas. Du moins pas au niveau requis par la position des Belges. « Nous sommes top 4, il nous faut un coach de très haut niveau. Le développement du hockey belge a été si rapide que nous n’avons pas eu le temps d’en former, du moins pour le top mondial. Dans les équipes de jeunes, nous avons tout ce qu’il nous faut ; chaque staff a un coach belge dans chaque langue. Nos jeunes réussissent des résultats que les autres pays européens nous envient. Nos U21 ont gagné une mini-mondial l’été passé à Breda. Former un coach de niveau mondial, ça prend des années. Et il faut également tenir compte du statut du hockey en Belgique. Le hockey n’offre pas les possibilités du foot. J’ai rencontré un entraîneur de foot qui venait d’être viré trois fois en deux ans ; cela lui a fait en prime de licenciement 3 millions d’euros ! En hockey, il n’y a pas cette sécurité. Mais la pression sur les coaches de hockey est en train de monter. »
Pour ce qui est des Dames, le High Performance Manager demande du temps. « Le top 8 est pour 2020. Il y aura alors 10 ans que nous aurons commencé le même processus que pour les Messieurs. Quand on me fait remarquer qu’on perd année après année des joueuses d’expérience, je vous signale qu’on m’avait posé la même question pour les Messieurs il y a quelques années. »
Revenant sur la différence de mentalité des Belges par rapport aux autres pays, Wentink clame bien haut que la Belgique doit être fière de ce qu’elle a réalisé. « Nous ne sommes pas une grande fédération et nous côtoyons les sommets. Quand on voit que nos trois fédérations travaillent de concert, qu’elle progresse régulièrement en termes de membres, que nos jeunes U21, U18 et U16 sont dans le top européen, tout cela constitue une belle prestation. Il faut en être fier et le dire. Cela ne veut pas dire qu’on sera sur le podium à Rio. Mais je garde une belle confiance pour le futur. »