Alors que le communiqué de l’ARBH annonçait la reprise du championnat le 22 novembre et la volonté de terminer le premier tour pour la fin décembre, plusieurs voix, et pas des moindres, nous sont parvenues pour exprimer leur mécontentement face à cette décision. Si beaucoup vont dans l’émotionnel -se demandant s’il est bien éthique pour le hockey de passer au-dessus du confinement général-, d’autres sont plus pragmatiques et apportent des arguments solides. Fallait-il les étouffer ou plutôt leur donner voix ; des voix (par mails et téléphones) qui soulignent bien que ces arguments ne visent pas les équipes nationales. En n’oubliant pas bien sûr qu’une majorité des clubs se sont prononcés pour la reprise au plus vite de la compétition.
Chouette le hockey redémarre
Fabrice Rogge, président de la Top Hockey League, et également bien au courant de ce que vivent les hôpitaux puisqu’il est chirurgien, a bien voulu répondre à nos questions et à tous les arguments et questions qui sont apparues depuis la publication du communiqué de l’ARBH : « J’ai entendu autour de moi ce ‘chouette, le hockey redémarre’ et cela répond à l’envie de la majorité. Le redémarrage du championnat de DH s’est décidé après de longues discussions et consultations, avec beaucoup de préparation. Et bien sûr sous des conditions strictes, avec un protocole détaillé. Il est évident que si la situation évoluait, nous réévaluerions tout le processus. »
Les arguments contre
Voici en gros un résumé des arguments exprimés.
1. Le hockey est-il pro à ce point pour passer au-dessus des lois générales ? Le hockey est à 3 vitesses : Red L. et P., les gros clubs pro et semi-pros, et les clubs qui n’ont pas de joueurs pro.
2. Le monde du hockey se compose de pas mal de personnel médical et il est en première ligne dans les hôpitaux, à la fois pour en connaître la détresse et pour ne pas pouvoir s’aligner en championnat comme personnel à risque.
3. C’est à nouveau l’équipe nationale qui pousse le championnat à se dérouler en vitesse pour lui laisser de la place au calendrier. Ces mêmes équipes nationales qui ont pu maintenant s’entraîner pendant 4 semaines.
4. Il y a des équipes de DH qui ne pourront pas s’aligner au complet et toutes ces équipes ne seront pas sur le même pied en n’ayant pu s’entraîner que 10 jours alors que les internationaux ont pu eux s’entraîner et qu’au mois d’août, on s’est arrêté pour ne pas désavantager les équipes anversoises.
5. On peut facilement jouer au mois de janvier et février en attendant la fin de la période de confinement.
6. Les Red Panthers n’ont aucun objectif avant le mois de mai ; on pourrait les dissocier des Red Lions qui eux auraient des matchs au début février. Et au fond, cette Pro League n’a pas beaucoup d’importance.
7. Les tests ne seront pas prêts dès aujourd’hui et les joueurs ne seront donc pas testés avant les entraînements ; des tests qui vont coûter 25.000 euros à porter aux frais de la communauté du hockey.
8. Il est illusoire de croire qu’il n’y aura plus de remise pour cause de covid lors de la fin de cette première partie de championnat.
9. Imaginons qu’un joueur ou une joueuse de DH arrive aux soins intensifs dans trois semaines, que va-t-il se passer ?
La réponse de la THL
Fabrice Rogge souligne que l’ensemble du monde du hockey était pour cette reprise en acceptant les conditions strictes du protocole. « Nous avons basé notre décision sur trois plans. Tout d’abord au niveau déontologique. Il fallait s’assurer que la sécurité des joueurs et des staffs soient la meilleure possible; on sait que le risque de contamination sur le terrain est nul. Il fallait ensuite s’assurer que reprendre la compétition n’avait aucun effet sur la santé publique; raison du huis clos. Il fallait enfin que toutes les instances politiques et scientifiques approuvent la reprise; nous faisons entièrement confiance sur les virologues. Il ne faut pas oublier non plus que d’autres sports ont également obtenu des dérogations. Le second plan est organisationnel. Les clubs ont déjà connu une première phase de confinement et possèdent déjà une expérience en la matière; ils sont prêt à une flexibilité. La motivation dans les clubs est de débuter et cela ne demande pas trop d’effort au niveau infra. Enfin, sur le plan financier. Les tests sont abordables au niveau financier et pour chacun des 18 clubs, il ne leur en coûtera qu’un peu moins de 500 euros par équipe en sachant que l’ARBH prendra une partie des frais à son compte. »
Fabrice Rogge répond à certains des arguments que nous avons reçus et qui sont énoncés ci-dessus, notamment en exprimant les raisons de reprendre le championnat. « Il ne faut pas oublier que la plupart des clubs fonctionnent comme des PME. Il y a des gens à payer, que ce soient des joueurs ou des entraîneurs; il faut sauvegarder leur job, comme dans les autres professions. Au niveau des sponsors, il y a lieu de les satisfaire et montrer que les clubs peuvent survivre et montrer qu’ils ont des efforts dans ce sens. Plusieurs clubs ont d’ailleurs entamé des démarches pour montrer les rencontres en streaming ou sur des télé locales. »
Le président de la THL souligne que ce virus fait désormais partie de nos vies et que cela peut encore durer longtemps, même avec le vaccin. Et qu’il faudra continuer les efforts actuels. « Continuer le championnat, c’est aussi donner aux gens un espoir. Il y a un côté psychologique à prendre en compte : on montre ainsi le côté positif des choses et cela donne du courage aux gens. Et puis, il faut assurer aux clubs un futur. Si on ne continue pas, des clubs vont faire faillite. Si on allait vers un lockdown complet, les risques seraient bien plus gros : le gouvernement l’a bien compris et les ministres et leur administration ont bien compris notre projet et ont autorisé la reprise du championnat. »
Quelques points précis
Fabrice Rogge répond à quelques points précis relevés dans les ‘arguments contre’. « En ce qui concerne le personnel soignant (point 2), tous les participants seront testés avant les rencontres : cela se fera 48hr avant le match. En ce qui concerne le délai trop court d’entraînement (point 4), on aurait effectivement voulu que les équipes disposent de 4 semaines pour reprendre. Il faut tenir compte du calendrier. Les joueurs et joueuses en sont pas restés sans entraînements pendant l’interruption : tous ont subi un entraînement individuel. Pour ce qui est des Red Lions et Red Panthers, il est vrai qu’ils ont pu jouer. Mais ils n’ont pas été à la disposition des clubs. Il est vrai qu’on est là devant un débat complexe qui existe déjà depuis longtemps et dans les diverses situations qu’on traverse, on n’aura jamais les mêmes situations pour tout le monde. Il faut tout évaluer, mais on retiendra tout de même que le push de notre hockey obtenu par les prestations de nos équipes nationales est énorme. Jouer au mois de janvier et février est risqué (point 5). On n’est jamais sûr qu’il ne gèlera pas? Et puis il faut veiller à un équilibre entre les équipes nationales et le championnat; il y a un respect mutuel entre les deux. Pour ce qui est de la Pro League (point 6), on connaît le débat et son appétit au niveau calendrier. La THL fait partie de l’EHCA (European Hockey Club Association) qui, notamment, défend les intérêt des clubs. L’EHCA exerce une pression auprès de la FIH pour que la Pro League préserve les championnats nationaux. Elle a demandé à la FIH de revoir le modèle actuel au niveau calendrier. Nous avons bon espoir que cela change. Quant à séparer Red Lions et Red Panthers au niveau de leur préparation en janvier, nous ne pensons pas que ce serait un bon signal. Nous voulons que les Panthers continuent à évoluer et nous ne voulons pas qu’il y ait un travail à deux vitesses. »
Fabrice Rogge répond encore aux points 8 et 9 en soulignant que le protocole établi par l’ARBH est suffisamment strict que pour éviter des contaminations au travers du championnat. « Les joueurs et joueuses sont très conscients de leur responsabilité par rapport à ce redémarrage de la compétition et qu’ils vont tout faire pour éviter tout danger. Et en ce qui concerne la dernière remarque, je voudrais encore rappeler que le risque qu’un joueur soit contaminé en dehors du terrain est bien plus élevé que sur le terrain. »
Le Docteur Fabrice Rogge, président de la Top Hockey League, ne peut ignorer ce que vivent les services d’urgence des hôpitaux même si son activité professionnelle ne l’y confronte pas directement ; ces services d’urgence sont dramatiquement surchargés à cause du rebond de l’épidémie de la Covid (voir la publication du Docteur Alice Weicker).
Il évoque des conditions strictes et un protocole détaillé pour la reprise du championnat de hockey en divisions Honneur mais nul ne peut ignorer que le protocole mis au point au mois d’août par la Fédération n’a pas été respecté ni par les joueurs, ni par les spectateurs et beaucoup de clubs ne sont pas souciés ou ne se sont pas donné les moyens de le faire respecter.
Dire comme le Docteur Rogge qu’ «on sait que le risque de contamination sur le terrain est nul » ne correspond pas aux études et expériences qui ont été faites, et de plus va à l’encontre de la logique la plus élémentaire: le hockey est un sport de contacts (bien que certains aient prétendu le contraire).
Quant aux tests, confisquer les capacités de tests et d’analyse pour des sportifs alors que l’accès aux tests pour la population générale a été drastiquement limité, est choquant.
Enfin, il me semble qu’il y a un conflit entre l’aspect médical, le respect de la santé de la population en cette époque d’urgence sanitaire et la défense des intérêts de la Fédération, des Clubs et des sponsors. A chacun sa casquette.
Bref une remise en question de la reprise de la compétition le 22 novembre serait la bienvenue.
J’ai envie d’arriver à Noël, pas vous ?