Suite à l’Assemblée Générale Extraordinaire de ce mardi soir, une grosse disparité est apparue entre le vote des clubs francophones et néerlandophones. 85% des clubs flamands ont voté pour la proposition de l’ARBH, contre seulement 37% de clubs francophones. Et de parler de fracture entre les deux Ligues !
Non, non, non : il n’y a pas de fracture entre les deux Ligues. C’est mal comprendre le vote. il y a plusieurs fractures, mais pas celle-là.
Il y a fracture entre les clubs riches, les clubs du top, et les autres. Il y a fracture entre les clubs qui mettent un budget pour leur équipe première et ceux qui ne le peuvent ou veulent pas. Il y a une fracture entre l’ARBH et la THL, et même à l’intérieur de la THL. Il y a fracture entre la Fédé qui met tous ses moyens vers les équipes nationales et pas vers les clubs. Il y a fracture entre les fédérations à championnat domestiques et la fédération internationale et européenne.
La BNT, source des problèmes
C’est en 2001-2002 que la Fédé a décidé de mettre sur pied un plan pour mettre fin à 32 années de disette olympique. Trop de fois, les équipes nationales d’après les années 80 étaient passées à côté d’une qualification, pour des détails. Le trio Lechat-Coudron-Wentink ont réussi à propulser nos Red Lions (et nos Red Panthers dans une moindre mesure) au top mondial. Avec comme résultat une explosion du nombre de membres, passant de 15.000 à 50.000 en 15 ans. Pour cela, il a fallu construire une vraie PME d’un peu moins d’une centaine de membres (coach, entraîneurs, physio, analystes, employés,etc.) avec un budget qui s’élève actuellement à 4 millions d’euros par an. On peut facilement comprendre que l’ARBH défende cette entreprise à succès qui est devenue première mondiale il y a quelques années. Et tout le monde se félicite de cette réussite. Tout le monde en a bénéficié. Le passage vers le hockey professionnel était devenu la clé du succès. Et c’est là qu’est venu le problème : le passage de nombre de hockeyeurs et hockeyeuse vers un mode de vie sportive pro allait entraîner les clubs vers le même statut.
Un championnat devenu pro
Plusieurs centaines de hockeyeurs (et hockeyeuses dans une moindre mesure) devaient nécessairement s’aligner sur la vie de pro des Red’s ; on pense à tous les U16, U18, U21 à qui la Fédé dit explicitement qu’ils doivent jouer dans un club du top pour pouvoir percer. L’arrivée des étrangers en Belgique (bénéfique car eux sont 100% versés dans leur sport) a accéléré le processus et les clubs se sont mis à augmenter leur budget. Le niveau a augmenté au point de faire du championnat belge l’un des meilleurs au monde. Les meilleurs clubs ont copié la structure de la BNT pour tout leur encadrement. Avec le budget nécessaire. Aujourd’hui, il faut minimum 200.000 euros pour faire tourner une équipe du top 8 et plus de 400.000 pour une équipe du top 4. Et là est la première fracture. Car il y a des clubs qui peuvent s’offrir ces sommes grâce à des sponsors/partenaires/mécènes, et d’autres qui ne le peuvent pas ou ne le veulent pas. Ces derniers l’ont d’ailleurs clairement fait savoir. Ce qui crée un trou entre le top 10 de notre championnat et le reste. On ne niera pas la légitimité de la présence des montants de Nationale 1 vers la DH (ils ont gagné le droit de monter !), mais se battre avec les armes de Nat 1 en DH n’est pas suffisant et énerve les équipes du top. Il suffit de voir en foot comment cela se passe. En général, les 3/4 du noyau change… Le vote de ce mardi montre bien que les clubs du top (majoritairement flamands) ont voté pour éliminer les plus faibles.
Des clubs en retard
Avec ces budgets qui commencent à sérieusement grimper, l’arrivée d’une licence, la médiatisation, les besoins deviennent de plus en plus grands et le hockey du top se dirige vers une structure professionnelle, avec le hockey qui devient un spectacle (les clubs de DH devront bientôt posséder une tribune, par exemple), peu de clubs suivent. Les budgets sont tendus, insuffisants, les cotisations sont exagérées, le championnat est en retard sur les médias; tout a été trop vite et la Fédé a poursuivi sa course en avant sans vraiment se préoccuper si le reste suivait. On ne peut pas reprocher à cette Fédé sa réussite, on ne peut pas la vilipender de défendre ses équipes nationales. Mais on doit certainement la blâmer de n’avoir pas pris en compte la vie des clubs et on doit sûrement la condamner pour avoir étouffé les clubs. Comme on doit regretter que les clubs ne se soient pas défendu face à la toute puissance des BNT.
La THL trop gentille
Ah si ! Les clubs se sont rebellés. D’abord en décrochant il y a une dizaine d’années le droit de définir le nombre de clubs par division : ils avaient alors fait passer cet article du règlement dans la partie qui était sous leur juridiction et pas sous celle de la Fédé. Ensuite en créant l’actuelle Top Hockey League pour défendre la place du championnat face au calendrier de plus en plus serré. Mais tout cela na pas servi à grand’chose puisqu’on est passé de 6 mois de compétition à 3 et demi (en gros). Et les joueurs et joueuses des équipes nationales sont finalement devenus propriétaires de ces BNT, n’étant plus présents en clubs que 2 jours par semaine. La THL, qui devait essayer de revenir à un championnat longue version, a dû baisser pavillon et faire des concessions face aux pressions du calendrier international sur l’ARBH.
Un combat de l’ARBH contre la FIH/EHF
On comprend bien sûr cet état des choses quand on voit que le calendrier international a grandi au fil des années. Aujourd’hui, sous la pression de l’Inde et des nations sans base de joueurs, le calendrier international occupe toute l’année et les prévisions pour le prochain championnat ne sont pas roses : EHL, Pro League, coupe du Monde U21, tout cela entre septembre et décembre. Et pas moyen de se défaire de cette charge sans finalement abandonner le parcours de nos équipes nationales : renoncer n’est pas dans l’idée de chacun. En tout cas, aucun club n’a réagit lors de l ‘AGE lorsque Serge Pilet a énoncé de calendrier. Certes, les pays européens font le forcing pour tenter de cadrer la volonté des pays sans championnat et de limiter cette invasion internationale. La possible nomination de Marc Coudron à la tête de la FIH pourrait offrir au hockey modèle européen un peu d’air.
Un président des clubs
En attendant, pendant 15 ans, on a concentré les efforts sur nos équipes nationales, avec le succès que l’on connaît, en oubliant que les clubs devaient vivre. Et on a oublié la vie de club, la vie du bar, la vie des championnats, la DH en tête. La déclaration du candidat Patrick Keusters de vouloir écouter les clubs et de penser plus vers eux pourrait changer les orientations actuelles. Car si finalement, le passage à 14 n’est pas passé, c’est essentiellement parce que le calendrier international l’en empêche. Pourra-t-on arriver à réinstaurer une compétition qui occuperait 30 dimanches pour recréer une « vie comme avant »…
Accepter le trou, et trouver un moyen de le combler
Si on peut comprendre les motivations de passer à 14 clubs en DH, on peut également comprendre que la Fédé considère cette proposition comme un délit d’opportunité. Mais elle oublie aussi l’importance qu’a eu au niveau médiatique et promotion du hockey, le passage durant deux années de Namur et de l’Old Club par la DH. Le hockey, quasi complètement absent des médias wallons, y a trouvé son compte. Il n’en reste pas moins que les résultats des deux clubs ne sont pas probants et qu’il faut que tous les clubs qui montent de Nationale 1 se rendent compte qu’ils ne servent pas le hockey en s’alignant sans renfort de poids. C’est (malheureusement -ou pas-) devenu une obligation de jouer avec des armes DH lorsqu’on accède au top 12. La demande d’un des intervenants de prendre en compte les besoins de équipes des nationales 1, 2 et 3 est essentielle : depuis la disparition des délégués de ces divisions, pas grand monde ne se soucie d’eux. Or, il y a d’excellents joueurs dans ces divisions et il faut leur donner les moyens de s’exprimer. Et tenter de combler le trou entre ces divisions, via des nouvelles structures par exemple. Cela a déjà été fait par le passé. Et il faut également demander aux clubs du top d’accepter de rencontrer et de jouer contre des équipes plus faibles : il faut qu’elles trouvent du plaisir à mettre un 0-10, même si ce n’est pas toujours gai…
Le débat est ouvert
Ces différentes fractures, comme celle qui existe au sein de la THL entre les clubs du top et ceux du bas du classement, doivent être analysées plus en profondeur. Sans doute pour déboucher sur une restructuration au sein de l’ARBH, avec un CEO des clubs, un CEO des BNT et un modérateur entre les diverses tendances qui règnent actuellement et qui ne s’expriment souvent pas assez clairement et audiblement. Le débat est-il ouvert ?
Article très pertinent.
Alain B.
Excellent édito
Un beau résumé des contradictions qui habitent notre hockey, qui met en lumière le succès de la fédération mais qui relève aussi le hockey à deux vitesses et la mentalité différente entre le top et le hockey de toujours