Si les médias et les déclarations de certains ont fixé le début de la progression de nos équipes nationales à 2005, moment où les Red Lions ont débuté leur ascension, la vérité est sans doute plus complexe. Dans l’euphorie du moment, on entend les chiffres le plus fous, passant de moins de dix mille membres en 2000 à soixante mille aujourd’hui, parlant d’une équipe nationale qui était alors nulle part et d’un statut amateur complètement inefficace.
De vrais amateurs
Il est vrai qu’avant de passer au statut de professionnel, le hockey belge a longtemps louvoyé entre un état semi-amateur, puis semi-pro avec apport étranger, puis semi-pro belge. « C’était une question d’argent : le hockey ne drainait pas de budget pour pouvoir passer à un autre statut que complètement amateur, avec des joueurs qui payaient pour jouer, pour se déplacer, » nous confiait un dirigeant d’alors. Mais aussi de mentalité : le hockey se faisait fort de rester hors des problèmes qui pourrissaient le sport professionnel et en gardant son esprit famille. La lutte pour rester dans ce confort fut acharnée pour éviter que l’on parle d’argent. Et la Belgique se débrouillait alors pas mal au niveau européen et mondial, se qualifiant pour les JO jusqu’en 1976 uniquement en se basant sur le talent pur de ses joueurs. Les entraînements des équipes nationales ne débutaient que dans le ou les mois précédents la compétition, et au rythme soutenu d’un ou deux entraînements par semaine. En n’oubliant pas de se constituer un petit pactole pour payer le déplacement et les frais.
Les désillusions
Pendant de nombreuses années, les Belges ont été absents, notamment aux JO, mais aussi en coupe du Monde. En prenant petit à petit des dégelées : les autre nations avaient préparé ces compétitions avec plus de sérieux, pouvant aussi se baser sur des fédérations plus solides et sur des budgets sport conséquents. C’est ainsi que les Belges rataient leur qualification de pas grand chose, puis de peu, puis pour 14 secondes, puis « net niet« . De quoi commencer à énerver.
Les premiers contacts étrangers
L’éclaircie est venue des clubs. D’abord de l’Old Club qui a fait venir Vitali Kholopov, rencontré lors d’un tournoi. Puis du Wellington où Gérald Deltour faisait venir ses fameux argentins : les frères Garreta, puis d’autres vedettes sud-américaines. Puis au Watducks, où « on » avait d’abord employé un jardinier-joueur, avec une sanction salée à la clé, l’ARBH n’acceptant pas l’utilisation de joueurs payés. Ce fut ainsi piquant de voir la Fédé lutter contre la professionnalisation des clubs. Le Wat’ s’offrait trois Australiens pour mener son équipe vers le haut. Le mouvement était parti et les clubs découvraient le bien que pouvait apporter des étrangers, payés pour donner entraînements (mais pas pour jouer…), avec la disponibilité que n’offraient pas les joueurs belges. Ce mouvement se développait dans les années ’90.
L’interprovincial Delhaize
Avec l’apport d’entraîneurs étrangers, les écoles de jeunes entraient dans une ère de progression qui était exploitée à divers niveaux, mais pas encore par les équipes nationales dont les activité jeunes restaient limitées. Les Provinciales apportaient de beaux résultats et le sponsoring développé par Coco De Saedeleer avec Delhaize et son patron Pierre-Olivier Beckers (joueur au Racing) permettait de mettre en avant pas mal de pépites. Les résultats se faisaient sentir, surtout en U16, mais s’estompaient en U18 et U21, l’intensité de la préparation ne suivant pas le rythme mondial.
« Le » Chris Vercammen
Comment l’idée lui est venue ? Il n’est plus là pour le dire. Mais le regretté Chris Vercammen est incontestablement celui qui a donné une impulsion gigantesque au hockey belge en donnant à la génération de joueurs nés en 1988 une approche pro. « Tu passes toutes tes vacances et tes congés au hockey : tu t’y consacres à fond. » Menés à la dure, les Dohmen, Thys, Gucassoff, Van Strydonck, Pangrazio, Vanderlinden, Baart vont percer à l’international, les deux derniers aux Pays-Bas. Ces ’88 qui vont remporter l’Euro en 2004.
Avec le COIB
Les échecs des années ’90 ont donné l’idée à Jacques Lechat (manager de l’équipe nationale), aidé de Mika Van Cutsem, de créer à partir de 2000 un plan de développement de ‘équipe antionale, jeunes y compris pour arriver à alimenter les équipes A avec des éléments solides. Présenté au COIB, ce plan très énergivore persuadait au point de décrocher des budgets et de s’intégrer au plan ABCD, devenu plus tard Be Gold. Les budgets n’étaient pas mirobolants, tout au plus quelques dizaines de milliers d’Euro. Pour monter en 2005 à des centaines, de quoi payer une encadrement qui fut la base du développement professionnels, via l’arrivée de Bert Wentink qui mit sur pied un staff qui allait monter au cours des années. En 2001, après la qualification pour la coupe du Monde avec Bart Van Lith, l’ARBH engageait Giles Bonnet qui allait introduire plusieurs techniques d’analyse. Ses échecs allaient lui coûter sa place en 2007, laissant la place à Adam Commens qui faisait passer en deux mois une équipe belge à la dérive à des Red Lions qualifiés pour les JO, après 36 ans de disette olympique. Entretemps, la Belgique s’était dotée d’un entraîneur physique qui ajoutait de nombreuses mesures de performance et l’entraînement exclusivement avec stick, d’un coach mental, d’un analyste vidéo pointu : un staff qui grandissait au point d’arriver aujourd’hui à un groupe fort d’une douzaine de spécialistes en tout genre.
Joueur déçu, président comblé
Marc Coudron a vécu de terribles désillusions. La coupe du Monde 2002 et le qualificatif 2004 sont les derniers restés dans sa tête. Lorsqu’il a pris de manière inattendue les rênes de la Fédé en 2005, il a pris conseil chez Thierry Zintz en lui commandant une étude fouillée de sa boutique, laquelle ne comptait alors qu’un Bureau de 4 personnes et demies, et un staff BNT plutôt étriqué. S’entourant du coach à succès du Dragons – Bert Wentink -, il a trouvé au fur et à mesure des budgets pour se payer des équipes nationales consistantes. C’est le splitsing en 2012 qui allait donner un coup de boost avec des budgets qui allaient finalement grimper pour lui donner tous les moyens d’atteindre le top mondial.
La base, les clubs
On le voit, il a fallu apprendre des erreurs du passé, oser commencer à payer les joueurs comme le Baudouin en début des années 90 (dans le plus grand secret-il y a prescription), trouver l’inspiration vers d’autres pays, voir certains de nos joueurs transférés vers l’étranger (comme Reckinger qui partait en Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas où il décrochait un titre de champion en 2004 à Oranje Zwart). Il a fallu aussi convaincre beaucoup de monde qu’on pouvait passer au professionnalisme tout en gardant son âme d’amateur. Ce sont les clubs (certains clubs) qui ont montré le chemin. Ces clubs qui se trouvent aujourd’hui dépassés par l’ampleur du mouvement et qui cherchent à trouver un équilibre mis en danger par ces années à succès.
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