Elle nous avait battue en finale à Rio, on avait pris notre revanche devant ce qui restera la plus grosse assistance à un match de hockey en Belgique (9.000 spectateurs à Uccle), elle reste très présente en Belgique : l’Argentine continue à nous apporter ses meilleurs joueurs et joueuses dans notre championnat.
Agustin Corradini vient de revenir en Belgique comme coach après y avoir été joueur il y a une dizaine d’années. Qu’est-ce qui attire ce pays pour le nôtre ? D’abord, ce fut via le Wellington que les premiers caballeros sont arrivés : les Garreta. Le Well continuait avec quelques internationaux qui avaient été champions du Monde en 2005 à Rotterdam. C’est cette génération qui a été présente pendant 15 ans au plus haut niveau, les derniers de cette levée ayant croisé le stick à Tokyo.
Il y a longtemps, l’Argentine était en crise économique et pas mal de sportifs se sont lancés en Europe, et notamment aux Pays-Bas. L’équipe nationale avait d’ailleurs connu des difficultés pour aligner une équipe aux JO et n’a dû son salut financier qu’à l’intervention de Visa qui est venu apporter son partenariat en toute dernière minute. « Aujourd’hui, la crise est moins forte mais il y a un trou plus grand encore entre les riches et les pauvres; c’est un pays merveilleux mais comme partout en Amérique du Sud, il y a cette différence. Pour le sport, les problèmes sont réglés car il y a un ministère des sports et un organisme indépendant qui s’occupe des sports en recevant des subsides de chacune des régions du pays. Il n’y a plus un sportif qui est abandonné et qui ne peut pas faire son sport. »
La Belgique au top mondial
Notre championnat est compétitif et il est considéré comme l’un des meilleurs au monde. « Oui, c’est pour cela que les Argentins viennent en Belgique. Et il y a de nombreux avantages : l’encadrement est top, on est rémunéré, on est bien accueilli. Les clubs investissent beaucoup dans leurs équipes, dans les jeunes. En Argentine, même le joueur de l’équipe nationale paie pour jouer dans son club. Tu dois tout payer. Moi, j’ai eu une faveur dans mon club, je suis associé honoraire parce que j’ai été aux Jeux Olympiques; mais c’est rare. Les joueurs de l’équipe nationale sont payés par le ministère et la fédé, mais ce sont les seuls. On ne vit pas du hockey dans mon pays. »
L’Argentine sportive mais à la traîne
La Belgique est nettement en avance sur l’Argentine. La majorité des clubs n’ont toujours que des terrains sablés. La majorité des internationaux actuels n’ont jamais joué que sur sablé. Leur arrivée en Europe a été une découverte pour eux. Il y a plus de 100.000 pratiquants dans ce pays qui est à la base très sportif : « Nous avons une éducation sportive pour les jeunes. Le boum du hockey s’est produit en 2000 avec le titre des Leonas; jusqu’alors, il n’y avait pas beaucoup de jeunes filles qui jouaient. Le foot, le volley, le rugby, le basket sont les sports les plus importants. Votre pays est, me semble-t-il, mieux organisé. En Argentine, les compétitions jeunes et seniors sont jointes. Quand un club est en division 3, toutes les équipes du club jouent en 3; chez vous, chaque équipe suit son propre parcours. Il y a aussi la distance qui est un gros handicap : pour convoquer une équipe nationale, il faut les faire venir en avion. Il n’y a pas d’infrastructures; ça m’est arrivé alors que l’entraînement du soir était fini, de devoir aller chercher avec mon argent de la nourriture dans le resto d’en face pour faire manger mon équipe. »
Juane le premier
Le premier Argentin qui est venu en Belgique est Juane Garreta. Il a été attiré par le Wellington il y a plus de 25 ans. Corradini a suivi quelques années plus tard avec Saliva, Bergner. Nombre d’autres sont venus, avec cette année des géantes comme Albertario, Rebecchi, Toccalino. « D’abord, c’est une expérience de vie. Je suis d’abord allé à Hurley, puis venu en Belgique pour une expérience très forte. Il y a juste un souci avec le problème de nationalité : c’est compliqué et un blocage pour pouvoir jouer ici. » Si le Well a été le premier club, chaque club belge a vu passer un argentin pas loin de son équipe première. Manu Brunet a rassemblé autour de lui une belle communauté de son pays.
Corradini est heureux en Belgique : « C’est mon deuxième pays. »