Ancien président et Secrétaire Général de l’ARBH, ancien dirigeant à la FIH (trésorier), Robert Lycke n’a pas manqué de réagir à l’éditorial : il faut faire quelque chose. Avec son expérience de dirigeant pendant plus de 20 ans au niveau national et international, il nous exprime sa vision des choses sur la coupure qui existe entre l’Europe et le reste du monde après l’élection de Tayyab Ikram à la tête de la FIH.
Géopolitique
En suivant de près la politique actuelle et les grands conflits qui déchirent la planète, il ne peut que constater qu’il ne faut pas critiquer les pays qui n’ont pas les mêmes régimes que l’Europe : « On va plutôt vers des rapprochements mais pas vers le passage à nos manières de diriger. Il ne sera pas ou plus possible d’instaurer la Démocratie telle que nous l’entendons en Chine ou en Russie. C’est la même chose sur le plan sportif. Imposer notre modèle aux pays africains par exemple est une hérésie. L’Europe est esseulée dans son développement. C’est très bien d’augmenter notre nombre de membres de 10% par an, mais si nous restons seuls à le faire, cela ne nous conduira pas loin. » Robert Lycke se souvient de l’élection d’Els Van Breda à la présidence de la FIH en 2001. « Nous étions alors 160 pays qui avaient le pouvoir d’élire un(e) président(e). Aujourd’hui, il n’y a eu que 129 pays qui ont été représentés à l’élection entre Coudron et Ikram. C’est une fameuse dégradation des choses. »
Rester aux JO
Robert Lycke souligne que, depuis des années, le hockey est soumis à une grosse pression par le CIO qui nous incite à nous développer partout dans le monde. « Le hockey sur gazon est un petit sport au niveau mondial. Si on est 4 à 6 millions d’affiliés, c’est beaucoup. Ceci dit, je ne connais pas les chiffres exacts et d’ailleurs ils ne sont pas communiqués. La majorité des pays comptent peu de membres, il n’y a qu’en Europe qu’on voit un pays comme les Pays-Bas compter 300.000 membres. Si on n’a que des pays européens qui restent au top mondial, le hockey n’ira plus aux JO. Or pour chaque sportif, les JO, c’est le Graal. Le CIO nous a poussé pour faire en sorte que n’importe quel pays ambitieux puisse aller aux JO. Notre ancien système ne permettait pas d’aller plus vite plus haut dans la hiérarchie mondiale; aujourd’hui, on a fait un petit pas pour faciliter cet accès. Mais cela reste trop compliqué. »
Aider les pays pauvres
Lors de la campagne de l’élection à la présidence de la FIH (celle contre Batra et celle contre Ikram), Marc Coudron avait exposé sa volonté d’aider les pays qui ne suivent pas notre modèle en portant l’attention sur le joueur ou la joueuse. « On a mal présenté la solution du développement du hockey. Les pays des autres continents ne connaissent pas ces choses qu’on fait chez nous. Qui a vraiment les moyens pour développer le hockey ? Ce sont nos pays, pas les autres. Il n’y a pas d’argent pour créer des clubs en Afrique ou en Asie. La seule chose qui fonctionne dans les pays autres qu’européens, ce sont les budgets gouvernementaux alloués aux équipes nationales. Cela permet à ces pays de se montrer au niveau international, et cela leur suffit. Attention donc de ne pas donner de l’argent à des pays qui n’ont pas les moyens de se développer. La campagne de Tayyab Ikram parlait aux gens car il permettait ainsi aux équipes nationales et à leurs dirigeants de voyager. »
Hockey à 5
La solution du hockey à 5 permet aux pays qui n’ont pas les moyens de s’offrir des grands terrains de pratiquer le hockey et de recruter large. « C’est une solution qui est un prélude à la disparition du hockey à 11 des JO. Attention donc à cela. Le hockey en salle est beaucoup plus facile à mettre en oeuvre ; dirigeons-nous vers cette solution. »
Le foot et le rugby
L’ancien président de la Fédé prend les exemples du football et du rugby. « Ces deux sports n’en ont rien à faire des JO. Ils ont développé un modèle grâce à une mondialisation et un marketing bien pensés qui ont les ont rendu populaires. Le Mondial de foot, vous voyez ce que c’est ! Et vous voyez aussi que le foot a élargi la compétition à 48 équipes. Les JO ne peuvent pas autoriser autant d’équipes. C’est une bonne chose d’avoir élargi la coupe du Monde de hockey à 16 équipes; il faut passer à terme à 24, question d’élargir le nombre de pays qui seront mis en évidence. Et là, les gouvernements interviendront, donnant une existence au hockey dans leur pays. » Robert Lycke évoque alors cette Pro League qui coûte si cher. « La FIH n’est pas puissante, elle n’a pas de moyens et ne peut pas se permettre de grosses dépenses. Si les pays participants avaient su ce que coûtait une participation à cette Pro League, ils ne se seraient pas inscrits. La Belgique, comme les autre grands pays, se sont inscrits pour ne pas perdre une avance sportive. Mais à quel coût. Attention aux crises financières : on a de l’argent pour le moment, mais cela peut changer. L’ARBH veut organiser la coupe du Monde 2026 à Wavre mais on n’a pas le terrain ni le budget complet pour ce terrain.Je ne suis pas sûr que forcer la main ainsi va fonctionner. En tout cas, la FIH peut se féliciter d’avoir des pays comme les Pays-Bas, l’Angleterre, l’Inde ou la Belgique pour se charger de ses organisations de grandes compétitions. Mais la Pro League doit disparaître. » Et de préconiser la tenue d’une coupe du Monde tous les deux ans.
suite de l’entretien mercredi
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